Le nouveau autotest de fertilité masculine qui arrive actuellement dans les pharmacies est-il un vrai progrès pour les 20% de couples qui rencontrent des difficultés à procréer ? S’il permet d’établir si l’homme est fertile ou pas à première vue, ce test, même positif, ne règle pas pour autant le problème de la grossesse qui ne se déclare pas. Certains spécialistes craignent que ce dépistage non encadré par un professionnel de santé ne soit sources de mal-être psychologique à la lecture d’un résultat négatif. Alors, faut-il le conseiller aux patientes pour leur conjoint… ou pas ?

Si, au cours d’une consultation de suivi gynécologique, une de vos patientes évoque la difficulté de son couple à concevoir un bébé malgré les examens réalisés (ou pas) qui semblent indiquer que rien ne s’oppose à ce qu’elle devienne maman, vous pourrez éventuellement lui conseiller d’investir dans cet autotest de fertilité masculine baptisé SpermCheck. Un petit quart d’heure de manipulation et 35€ déboursés : voilà ce que « coûte » ce fameux test de fertilité masculine déjà en vente depuis quelques mois aux Etats-Unis et au Royaume-Uni.

Des risques à mesurer

Cet autotest n’est pas en vente livre devant le comptoir. Pour se le procurer, il faut le demander au pharmacien. Ce qui peut tout de même limiter un peu la casse psychologique que peut entraîner ce type de dépistage sans encadrement médical. En effet, se découvrir infertile n’est pas sans conséquence chez la plupart des hommes : « Les études psychologiques portant sur l’infertilité masculine sont peu nombreuses, mais elles s’accordent pour conclure qu’une proportion significative d’hommes infertiles sont atteints d’une myriade de blessures psychologiques », souligne le Dr Janet Takefman, Directrice des Services psychologiques au Centre de Reproduction McGill (MRC) et professeure adjointe de psychologie au Département d’obstétrique et de gynécologie de l’Université McGill à Montréal. Et de citer « la culpabilité, la honte, la colère et l’isolement, une impression d’échec personnel, une baisse de l’estime de soi, le sentiment de ne pas être à la hauteur, des changements dans la perception de soi sur les plans personnel ou sexuel ainsi qu’une perte de l’appétit sexuel ». La spécialiste souligne aussi d’autres aspects qui entrent également en jeu, comme « la perte de la filiation génétique et de la transmission du nom de famille, la perte de l’identité sexuelle masculine, la perte de la capacité de contrôler leur existence et la perte de leur capacité à pourvoir aux besoins de leur partenaire ».

Ce mal-être psychologique à la découverte de l’infertilité masculine peut entraîner parfois la rupture de la relation conjugale. Dans ce contexte, la commercialisation d’un test de dépistage qui détecte la présence d’une protéine (SP 10) dans la tête des gamètes pour établir la concentration en spermatozoïdes du sperme, peut aggraver ce mal-être car le résultat est obtenu sans la présence d’un personnel de santé pour relativiser le résultat obtenu. Après tout, la concentration en spermatozoïdes se modifie en fonction de circonstances comme un rapport sexuel dans les trois jours précédents, ou un traitement médical qui modifie la composition du sperme, voire une élévation de la température pendant les jours précédents…

Comment fonctionne le test ?

Le test apparaît positif dès lors que la concentration en spermatozoïdes est supérieure à 15 millions de spermatozoïdes par millilitre (spz/ml). Ce seuil de 15 millions spz/ml correspond à la nouvelle norme de l’Organisation Mondiale de la Santé et traduit la concentration à partir de laquelle 95% des hommes réussissent à procréer naturellement avec leur partenaire dans un délai d’un an. Le test serait fiable à 98%, selon l’évaluation d’un laboratoire français d’Assistance Médicale à la Procréation, mais ne dispense évidemment pas de consulter un spécialiste, comme le signale la notice. Ne serait-ce que parce ce test de fertilité masculine n’analyse qu’une cause possible d’infertilité masculine, alors qu’il en existe d’autres.

Pour mémoire, une bonne concentration en spermatozoïdes n’empêche pas toujours les problèmes de fertilité de même qu’une faible concentration n’est toujours source d’infertilité. Ce test a certes ses limites mais permet de gagner un peu de temps sur la recherche des causes de l’infertilité du couple et peut inciter des hommes réticents à se rendre de prime abord chez un professionnel de santé à se renseigner discrètement sur leur fertilité.

Ceci étant, le résultat ne change guère la donne : tant que l’enfant n’est pas conçu, la consultation s’imposera, test ou pas test. Alors faut-il conseiller cet autotest aux couples inquiets de ne pas voir s’annoncer la grossesse attendue au risque de provoquer un tsunami émotionnel non encadré ou les diriger directement vers un centre de dépistage où ils seront accompagnés dans l’interprétation des résultats et immédiatement informés des possibilités de traitements possibles ? Telle est la question.

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