Jeudi 6 avril, le Ministère de la Santé a annoncé la mise en place de deux consultations de dépistage des cancers féminins (sein, col de l’utérus, ovaires…) dès janvier 2018. On ne peut que louer une telle initiative devant le nombre encore trop important de décès liés à ces cancers, et notamment au cancer du sein. Sauf qu’il y a un hic ! Et de taille à mettre les sages-femmes françaises en rogne…

Et les sages-femmes, alors ? 

En annonçant jeudi soir que les femmes, à 25 ans et à 50 ans, bénéficieront d’une consultation d’information et de dépistage des cancers féminins prise en charge à 100% par l’Assurance Maladie, la Ministre de la Santé a précisé que ces actions de prévention seront assurées par les médecins généralistes et les gynécologues. Pas un mot en direction des sages-femmes !

Eh oui, une fois de plus, le Ministère de la santé semble oublier que les sages-femmes sont compétentes pour effectuer ces dépistages et oriente uniquement les patientes vers les médecins généralistes et les gynécologues… N’avait-elle pas pourtant lancé en juin dernier une campagne de communication pour soutenir cette profession de santé ? On ne rêve pas, c’est bien Marisol Touraine, Ministre de la Santé, qui disait alors dans son discours du 22 juin 2016 : « Les sages-femmes assurent le suivi de la femme en bonne santé, peuvent lui prescrire une contraception, réaliser certaines vaccinations, intervenir dans la prévention des addictions… ». Un discours dans le droit fil du décret d’octobre 2011 qui établissait les compétences de la sage-femme dans l’information et le suivi de la femme en bonne santé. Alors pourquoi un tel oubli des sages-femmes dans le dispositif de prévention des cancers féminins ?

Les associations professionnelles au créneau

Un oubli qui a provoqué l’ire du Collège National des Sages-Femmes de France, de l’Association Nationale des Etudiants Sages-Femmes, l’Association Nationale des Sages-Femmes coordinatrices et l’Organisation Nationale Syndicale des Sages-Femmes qui ont collectivement demandé au Ministère les raisons d’une telle méconnaissance des compétences des sages-femmes de France. « Nous tenons à rappeler au Ministère de la Santé, que 23 000 sages-femmes exercent en France et que le dépistage des cancers féminins fait partie intégrante de leur pratique, rétorquent toutes ces organisations et associations dans un communiqué commun. Leur formation initiale garantit leur compétence en consultations gynécologiques de prévention et de contraception dans une logique de travail pluri-professionnel. » Les sages-femmes et les étudiants ont donc demandé fermement une rectification dès aujourd’hui de ce plan d’action, qui inclue à l’avenir les sages-femmes.

Des modalités qui restent à définir

Quoi qu’il en soit, l’affaire n’en est qu’à ses effets d’annonce. « Pour l’instant, les modalités de mise en œuvre ne sont pas encore fixées par l’Assurance Maladie », souligne en effet Nicolas Dutriaux, secrétaire général du Collège National des Sages-Femmes de France, qui espère néanmoins, comme ses consœurs et confrères, un rectificatif du Ministère de la Santé avec ouverture du dispositif aux sages-femmes libérales. D’autant que dans un contexte de déserts médicaux, de surbooking des médecins généralistes (selon leurs propres dires) et du manque de gynécologues (dans certaines régions, il faut compter deux à trois mois minimum pour obtenir un rendez-vous hors suivi de grossesse), les sages-femmes ne comprendraient pas d’être les grandes oubliées de ce dispositif de médecine préventive. Y intégrer les sages-femmes permettrait de mieux répondre aux exigences de ce dispositif dans l’intérêt de la santé des femmes et aussi de contribuer à affermir une pratique libérale en maïeutique bien mise à mal par la concurrence entre gynécologues et sages-femmes sur le terrain de la santé de la femme en bonne santé. Sachant que les femmes présentant un facteur de risque ou un dépistage positif seraient de fait dirigées ensuite vers un gynécologue. De la bonne pratique confraternelle en quelque sorte. Qui plus est, les honoraires des sages-femmes n’étant pas ceux des médecins, cela permettrait aussi à l’Assurance Maladie de faire quelques économies au passage. Interpellé ce matin sur les raisons de l’absence de la profession sage-femme dans le communiqué du 6 avril, le Ministère pour l’instant n’a pas encore répondu.

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