Quelle sage-femme, en suivi post-partum, n’a pas été interpellée un jour par une jeune maman inquiète de l’apparition et de l’évolution d’un hémangiome infantile chez son nourrisson ? Depuis quelques années, un traitement expérimenté dans le service de dermatologie pédiatrique du CHU de Bordeaux, semble s’avérer être une réponse efficace et sans effets secondaires rédhibitoires. Mais il manquait une étude randomisée pour en faire la preuve. C’est désormais chose faite.

Entre 3 et 10% des nourrissons présentent un hémangiome infantile. Cette tumeur bénigne apparait entre 4 et 6 semaines, progressent jusqu’à environ l’âge de 5 mois, se stabilisent puis régressent spontanément en général. Sauf dans 12% des cas où des complications peuvent apparaître en raison de la localisation de l’hémangiome (autour de la bouche ou des yeux par exemple), en raison de son étendue ou de risque de séquelles esthétiques non négligeables. Parfois aussi – très rarement – peut apparaître un syndrome de Kasabach Merritt (association d’une tumeur vasculaire, d’une thrombopénie majeure et d’une coagulopathie de consommation plus ou moins marquée).

Quel traitement ?

« Jusqu’à peu la corticothérapie systémique ou l’interféron alfa et la vincristine dans les cas rebelles constituaient la seule réponse thérapeutique dans ces situations, avec une efficacité et une tolérance très variables », explique le Dr Marie-Line Barbet, dans le Journal International de Médecine du 23 février. Mais depuis 2008, il existe un traitement par propranolol, expérimenté dans le service de dermatologie de Bordeaux où l’équipe médicale a pu constater la régression d’hémangiomes suite au traitement par propranolol, malgré l’absence de formulation pédiatrique. Plusieurs autres « case reports », et deux essais cliniques ont ensuite confirmé l’efficacité de ce traitement généralement administré à la dose de 2 mg/kg/ jour. Dès 2008, l’équipe du service de dermatologie de Bordeaux a rapporté la régression d’hémangiomes chez des enfants traités par propranolol.

Hémangiome disparus dans 60 % des cas à 6 mois

Si le propranolol est ainsi devenu le traitement de première ligne des hémangiomes compliqués, il manquait une étude randomisée pour faire la preuve de la pertinence thérapeutique. C’est chose faite désormais. Une étude multicentrique randomisée en double aveugle de phase 2/3 a été lancée pour préciser l’efficacité et la sécurité d’emploi de ce traitement chez des enfants de 1 à 5 mois porteurs d’un hémangiome requérant un traitement systémique, à l’exception des hémangiomes à haut risque. Ainsi, 460 patients ont été randomisés (différents groupes d’âge et de localisation de l’hémangiome, facial ou extrafacial) soit dans le groupe placebo soit dans un des quatre groupes de traitement : propranolol 1 mg/kg/j pendant 3 mois ou 6 mois, propranolol 3 mg/kg/j pendant 3 ou 6 mois. Les enfants assignés aux groupes de traitements actifs d’une durée de trois mois ont ensuite reçu le placebo pendant 3 mois. Lors de l’analyse à 24 semaines il a été estimé que le protocole comportant l’administration de propranolol à 3 mg/kg/j pendant 6 mois était le plus efficace. L’évaluation précise de l’efficacité a donc été menée sur le groupe assigné à recevoir cette posologie et le groupe placebo.

A six mois de traitement, on constatait en effet chez 61 des 101 enfants (60 %) ayant reçu le propranolol à 3 mg/kg/j pendant ces 24 semaines une résolution complète ou quasi complète de l’hémangiome alors que ce n’était le cas que pour 2 des 55 patients sous placebo (4 % ; p < 0,001). La supériorité du protocole sélectionné demeurait dans les analyses avec ajustement pour l’âge et la localisation de l’hémangiome. L’amélioration de la lésion était visible à 5 semaines pour 88 % des enfants recevant le propranolol à 3 mg/j versus 5 % dans le groupe placebo et a persisté jusqu’à la semaine 24 pour 73 % des sujets du groupe actif contre 5 % de ceux du groupe placebo. Au cours du suivi jusqu’à 96 semaines, le succès thérapeutique s’est maintenu pour 35 des 54 enfants ayant reçu le protocole sélectionné (65 %) et 2 du groupe placebo. Au total 10 % des sujets du groupe actif ont dû être retraités.

Quels effets secondaires ?

Hypotension, bradycardie, bronchospasme… ces effets secondaires du traitement au propranolol ont été rarement constatés et leur incidence, bien que plus élevée, n’a pas été statistiquement significativement différente de celle observée dans le groupe placebo. D’où une levée raisonnable des inquiétudes qui permet d’établir, grâce à cette étude randomisée contre placebo, que le propranolol est bien un traitement efficace des hémangiomes compliqués du nourrisson. « Cette large étude randomisée contre placebo montre donc que le propranolol est un traitement efficace des hémangiomes compliqués du nourrisson avec un profil risque-bénéfice favorable », conclut le Dr Marie-Line Barbet.

Sources : Léauté-Labrèze V et coll. : A randomized controlled trial of oral propranolol in infantile hemangioma. N Engl J Med 2015; 372 : 735-46.

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