Haro sur l’exigence de la Délégation aux droits des femmes de supprimer la clause de conscience pour l’IVG : les sages-femmes ne sont pas en reste pour dire leur attachement à ce principe.

L’IVG a beau avoir 40 ans en France, elle est toujours au cœur de tensions.Alors que la Délégation aux Droits des Femmes a présenté à l’Assemblée nationale des recommandations en matière d’accès à l’interruption volontaire de grossesse, les mesures qui en découleraient provoquent des réactions dans l’ensemble des professions de santé concernées, notamment en ce qui concerne la clause de conscience, intégrée à la loi depuis l’origine, en 1975.

La Délégation aux Droits des Femmes est certes dans son rôle quand elle estime que cette clause de conscience est un frein de fait au droit à l’IVG. Plus exactement, selon un communiqué signé par deux députées, Catherine Quéré et Catherine Coutelle, cette clause de conscience « concourt à faire de l’IVG un acte médical à part et contribue à limiter l’accès à un droit fondamental qui ne doit connaître aucune entrave pour devenir totalement effectif ».Or tout acte médical est encadré par la clause de conscience à laquelle peut se référer tout professionnel de santé, selon le Code de la Santé Publique (art. R4127-47).

Et qu’en pensent les sages-femmes ?

Nouveauté du projet de loi relatif à la Santé qui doit être prochainement débattu, les sages-femmes pourraient donc pratiquer l’IVG médicamenteuse. Un moyen de faciliter l’accès à l’IVG pour de nombreuses femmes qui connaissent des difficultés à y accéder. Et une occasion pour les sages-femmes d’exercer leurs compétences en matière de suivi mais aussi de prévention auprès de ce public.

Dès 2013, lorsque l’Ordre national avait été interrogé sur la pertinence de cette nouvelle compétence pour les sages-femmes, le Conseil national de l’Ordre des Sages-Femmes s’était déclaré favorable dans une quasi-unanimité (85%) à la possibilité pour les sages-femmes de prescrire l’IVG médicamenteuse. En revanche, en ce qui concerne la question de la suppression de la clause de conscience relative à l’IVG, recommandation présentée le 18 février dernier par la Délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée Nationale, on est très loin du consensus !

Le Conseil national de l’Ordre des Sages-Femmes estime que le maintien de cette clause de conscience est indispensable, pour les sages-femmes comme pour tous les professionnels de santé amenés à exercer leurs compétences lors d’une interruption volontaire de grossesse. En effet, comment entourer efficacement, humainement et médicalement une femme qui décide d’une IVG alors qu’on intervient à contre-cœur ?

Et si le salut venait de l’IVG instrumentale ?

Ceci étant, l’Ordre national des Sages-Femmes n’a pas manqué de relever une contradiction flagrante entre les polémiques autour des compétences médicales des sages-femmes qui ont fleuri tout au long de l’année écoulée et la préconisation de la Délégation aux Droits des Femmes d’affecter également l’IVG instrumentale aux sages-femmes ! « Comment peut-on envisager de permettre aux sages-femmes de pratiquer l’IVG instrumentale, un acte chirurgical, alors que la possibilité de prescrire des vaccinations et des substituts nicotiniques par ces mêmes professionnelles à l’entourage de la femme enceinte et du nouveau-né fait débat ? », s’étonne Marie-José Keller, présidente du Conseil national de l’Ordre des Sages-Femmes.

Certes, la préconisation en question n’émane pas des mêmes instances qui ont voulu limiter les compétences médicales des sages-femmes au cours de l’année dernière. Néanmoins, du côté des sages-femmes de terrain, l’ambiance est un peu dubitative : foin du triomphalisme quant à l’avancée de la reconnaissance de leurs compétences, la plupart note qu’il s’agit là de l’IVG, un acte que peu de professionnels auraient à cœur d’investir comme en témoigne la difficulté des femmes concernées à trouver réponse à leur demande d’IVG. Et là, miracle, les sages-femmes arriveraient sur le devant de la scène comme les grandes professionnelles médicales que tous attendaient ? Pas dupes, les sages-femmes.

Reste que si la compétence des sages-femmes pour l’IVG instrumentale devait être actée lors du vote de la Loi de Santé dans les mois à venir, il sera alors bien compliqué pour les détracteurs des compétences médicales des sages-femmes de trouver des arguments pour reléguer de fait cette profession médical au rang de paramédicale.

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