Paru au Journal Officiel le 23 décembre, le décret portant sur le nouveau statut des sages-femmes hospitalières casse dans l’œuf tous les espoirs portés par une année de grève. Statut médical, revalorisations salariales, évolution de carrière, tous les feux sont au rouge. Neuf Mois pour les sages-femmes a décrypté le décret avec Lucie Prum, du syndicat national des sages-femmes FA/FPH.

Voilà un cadeau de Noël dont les sages-femmes hospitalières se seraient bien passées ! Le décret paru le 23 décembre, providentiellement à la veille de la trêve des confiseurs, recadre, il n’y a pas d’autres mots, les revendications des sages-femmes hospitalières. « Du pipeau », « une arnaque », « un recul »… les épithètes sont loin d’être enthousiastes sur les forums professionnels. Pour Lucie Prum, c’est la consternation : « On s’attendait à un vrai statut dans la fonction publique et là, c’est un vrai recul ».

Les fausses avancées

Certes, le décret annonce une catégorie A pour les sages-femmes hospitalières… sauf que ça fait des décennies qu’elles l’ont obtenu. La profession voulait un statut médical et une autonomie pour tout ce qui relève de son champ de compétences ? C’est râpé ! Le statut médical, le Ministère le lui concède (sauf que ça n’en n’est pas un, le titre accordé est « sage-femmes des hôpitaux », soit le même titre 4 que les professions paramédicales dans le code de la fonction publique hospitalière), mais pour l’autonomie, on repassera.

Les sages-femmes cadres disparaissent (et par-là même l’école des cadres), au profit de sages-femmes coordinatrices placées, elles, sous l’autorité du chef de pôle, autrement dit d’un gynécologue-obstétricien, alors que les sages-femmes non cadres sont désormais placées sous la responsabilité hiérarchique de la direction de l’hôpital en charge du personnel médical. Dans la foulée, les sages-femmes cadres perdent aussi la responsabilité hiérarchique du personnel paramédical travaillant en maternité, telles les auxiliaires de puériculture a priori qui seront placées sous l’autorité d’un cadre de santé. Au temps pour l’efficacité du service !

Une revalorisation salariale décevante

C’était l’un des points-clé des revendications des sages-femmes en grève. A juste titre, estime Lucie Prum « Nous sommes la seule profession à l’hôpital dont les salaires n’ont pas été revalorisés depuis 2001. A première vue, nous avons obtenu un petit plus mais cela reste très décevant en termes d’évolution de carrière. » En effet, a priori il y aurait un léger mieux, de l’ordre de 45€ à 250€ par mois selon l’échelon et le grade. Sauf qu’à l’échelle de dix ans – les sages-femmes ont vite fait le calcul -, elles gagneront moins qu’avec le système précédent, en raison d’une évolution de carrière bloquée par le grade. « On attendait une évolution de carrière linéaire avec des échelons sans grades comme pour les autres professions médicales, explique Lucie Prum, or là, toutes les sages-femmes sont reclassées en grade 1 avec leur ancienneté, sauf les cadres qui sont reclassées en grade 2. Avant, avec l’ancienneté, on passait systématiquement de la classe normale à la classe supérieure. Maintenant, c’est fini. » Qui pourra donc intégrer le grade 2 ? C’est justement là où le bât blesse et où les négociations doivent reprendre le 9 janvier au ministère. La seule chose qui est claire actuellement, c’est que le grade 2 sera encadré par un ratio qui n’existait pas avant. En conséquence, ce grade 2 ne sera pas accessible à toutes. Et c’est pour cela qu’à l’échelle de dix ans, la nouvelle grille salariale s’avère moins rémunératrice que l’ancienne pour les sages-femmes qui resteront en grade 1, sans possibilité d’intégrer le grade 2.

Mais les dés ne sont pas encore joués : la négociation reprend le 9 janvier et les sages-femmes hospitalières entendent bien obtenir des réponses satisfaisantes sur l’accès au grade 2 voire parvenir à faire sauter le fameux ratio.

Vers un statut IDE spécialisé ?

Quant aux sages-femmes travaillant en privé et les sages-femmes libérales, les négociations n’ont pas encore produit d’accords définitifs. Le déremboursement de la préparation à la naissance est l’épée de Damoclès qui pend au-dessus de leur tête : « Mais nous aussi, à l’hôpital nous sommes concernés, souligne Lucie Prum. Si la Sécu arrête de payer, l’hôpital supprimera la préparation. » Et la profession redoute à juste titre de se retrouver reléguée en post-natal sur un statut IDE spécialisé en maïeutique. D’ailleurs, le décret lance une piste d’accès au grade 2 pour les sages-femmes ayant suivi une formation d’aide-anesthésiste. Comme les infirmiers. Pour un certain nombre de sages-femmes, c’est une contradiction dans les termes. « Dans la FPH, ou on est sage-femme ou on est infirmier, on ne peut pas être dans les deux corps en même temps, même si on a les compétences » souligne l’une d’entre elles.

Quid de la responsabilité médicale des sages-femmes ?

Reste qu’on peut s’interroger devant le devenir de l’article L6146-7 du Code de Santé Publique : « Les sages-femmes sont responsables de l’organisation générale des soins et des actes obstétricaux relevant de leur compétence. Elles participent à leur évaluation et aux activités de recherche en collaboration avec les praticiens du pôle d’activité clinique ou médico-technique ».

Le décret, en retirant les rôles hiérarchiques, l’évaluation des pratiques et l’autonomie aux sages-femmes, a t-il rendu caduque cet article L6146-7 ? En avait-il seulement le droit ? Nul doute que le Collectif en demandera compte au Ministère prochainement. Affaire à suivre, donc.

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