Le 17 septembre 2014, un rapport de la Cour des Comptes intitulé « La Sécurité Sociale » a été publié : plus de 650 pages imbuvables. Pourtant de manière toute à fait anodine, 25 pages y sont consacrées à l’Assurance Maternité. Avec des conséquences pas du tout anodines pour la santé des femmes enceintes !

Alors que la politique du dernier siècle n’a cherché qu’à protéger plus et mieux la santé des citoyens français, aujourd’hui, l’Assurance Maternité est menacée dans ce rapport et tout particulièrement dans ces 25 pages. On peut y lire que l’Assurance Maternité risque de fusionner avec l’Assurance Maladie : « La Cour propose dans le présent rapport d’inclure la totalité de la dépense de maternité à l’Objectif National des Dépenses d’Assurances Maladie (ONDAM) pour garantir l’effectivité du pilotage du parcours de soins associé à la grossesse et à la naissance. » Quelles sont les conséquences d’une telle évolution ? Elles seront énormes, sur deux plans essentiels.

 

 

Sur le plan économique

  • Les indemnités journalières des congés maladie ne seront plus prises en charge à 100% de manière systématique.
  • Les remboursements de soins qui sont pris en charge à 100 % à partir du début 6ème mois de grossesse (et non sans raison) ne le seront plus alors que cette protection sociale était mise en place pour que toute femme enceinte puisse bénéficier de soins de manière égalitaire, sans conditions de revenus à partir du moment où le fœtus est viable selon la définition de l’OMS.
  • Les femmes enceintes seront soumises elles aussi aux franchises instaurées en 2007 (médicaments, actes paramédicaux et transports sanitaires).
  • Aucune dérive n’est dénoncée en matière de dépassements d’honoraires : les dépassements d’honoraires réalisés, que la grossesse soit ou pas pathologique, n’étant pas pris en charge par l’Assurance Maternité ou Maladie mais par les mutuelles, cette dérive financière est juste constatée : « Ainsi, en 2013, les gynécologues-obstétriciens connaissaient un taux de dépassement moyen de 76,1 %, par rapport aux honoraires conventionnels et réalisaient 24,9 % de leurs actes au tarif opposable, contre un taux de dépassement de 56,3 % et un taux d’actes au tarif opposable de 34,6% pour la moyenne de l’ensemble des médecins spécialistes. » Autrement dit, les trois quart des gynécologues pratiquent des dépassements d’honoraires, donc les femmes enceintes sont « capables » de payer leurs soins, selon la Cour des Comptes. Mais qu’en est-il alors de toutes ces femmes qui n’ont pas les moyens de se payer une mutuelle ? Peut-être finirons-nous avec un « forfait grossesse » avec les dépassements (consultations en urgence, examens spécifiques) non pris en charge.

 

Sur le plan Santé Publique

  • La prise en charge sera réduite avec un transfert des dépenses sur les particuliers
  • le congé de grossesse pathologique (soit deux semaines pendant la grossesse) risque d’être supprimé puisqu’il dépend davantage selon la Cour des Comptes de la condition d’exercice des femmes (CDI versus CDD) que de la réelle situation pathologique… Donc, fini le congé pathologique : les femmes ne seront bientôt plus indemnisées à 100%, elles seront donc soumises aussi aux trois jours de carence. Combien de patientes travailleront pour ne pas perdre de salaire ? Alors que nous avons 65 000 naissances prématurées en France et que nous sommes 20ème sur 30 en Europe en matière de santé périnatale (sources Cochrane) : qu’en sera t-il si le congé pathologique est supprimé ? Plus de naissances prématurées ? Je suis très étonnée que ce rapport ne fasse réagir personne alors qu’il s’agit bien là d’un recul énorme de la politique de natalité ! A quoi serviront toutes ces économies relatives si la prématurité augmente : la prise en charge des situations aiguës telles que l’accouchement prématuré, la réanimation néonatale et ces suites qui peuvent malheureusement être longues coutent bien plus cher : 1,5 milliards d’euros par an selon le Collectif Prématurité, soit près de 4 millions par jour pour 65 000 naissances par an !
  • Les cours de préparation à la naissance risquent d’être dé-remboursés. Pourquoi ? Parce qu’ils représentent un peu moins de la moitié de l’activité des sages-femmes libérales et qu’ils semblent coûteux à la CNAMTS (81 millions par an). Et parce que, toujours selon la Cour des Comptes, ces cours n’ont pas fait la preuve de leur efficacité. Enfin, parce que l’on veut développer l’activité en post-natal des sages- femmes via le PRADO pour engendrer plus de 200 millions d’euros d’économies par an en réduisant la durée du séjour en maternité. Cf le texte extrait de ce rapport à propos de la préparation à la naissance :

«Comme l’avait noté la Cour en 2011 se pose notamment à cet égard la question des prestations assurées par les sages-femmes en matière de préparation à la naissance(472). Alors que la Haute Autorité de Santé a indiqué que l’utilité de ces séances n’est pas démontrée, l’équilibre entre le dispositif de préparation prénatal(474) et le renforcement du suivi postnatal mérite d’être réexaminé dans le double but d’amélioration du suivi des femmes et des nouveau-nés et de maîtrise des coûts. »

 

 

Pourquoi faire fausse route ?

Sage-femme de profession, je regrette d’une part que peu de femmes sachent que ma profession est la plus à même de suivre les grossesses et de dépister la pathologie. Notre profession est pourtant plébiscitée par des sociétés d’études indépendantes, telles The Lancet et la Cochrane. Nous sommes formées à accompagner ces grossesses, à permettre aux couples de faire des choix éclairés sur leur accouchement, la naissance de leur enfant, le choix de leur allaitement. Après lecture de ce rapport, j’ai le sentiment d’être instrumentalisée pour engendrer des (fausses) économies pour faire payer encore les femmes, puisque la prévention est primordiale en santé périnatale. Y a t il une volonté de baisse de la natalité, voire de sélection par l’argent ? Puisque la prévention est primordiale en santé publique et qu’elle fait partie des axes prioritaires de la Stratégie nationale de santé, pourquoi diriger l’exercice des sages-femmes libérales principalement sur le post-natal alors qu’elles ont un rôle essentiel dans l’anténatal également ?

Ne préféreriez-vous pas vous-même connaître avant la sage-femme qui viendrait à domicile à votre sortie de maternité ? Chaque patiente a le libre de choix du praticien, c’est l’idée défendue par le CIANE : à chaque patiente donc de choisir librement son praticien pour suivre et accompagner au mieux sa grossesse

Pourquoi ne pas positionner les sages-femmes clairement dans le suivi de grossesse alors qu’elles suivront ces patientes par le dispositif PRADO ? La question est posée !
Par Amandine Fabre, sage-femme

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