Le cancer du col de l’utérus est le 12eme cancer le plus fréquent chez la femme en France. On recense ainsi chaque année plusieurs milliers de cas. La cause principale du cancer du col de l’utérus est une infection persistante par un virus, le papillomavirus. Le frottis de dépistage reste, avec la vaccination contre le papillomavirus, le meilleur moyen de lutter contre le cancer du col de l’utérus car il permet de prendre en charge d’éventuelles lésions avant qu’elles ne se transforment en cancer. Les sages-femmes ont, ainsi, un rôle primordial dans le suivi gynécologique de prévention. On fait le point avec Isabelle Derrendinger du conseil de l’ordre des sages-femmes.

La nouvelle campagne de dépistage du cancer du col de l’utérus a commencé depuis quelques mois, mettant les sages-femmes en première ligne. Avez vous déjà des retours d’expériences ou des retours sur l’efficacité (ou non) du dispositif? Est ce que l’on observe une hausse des consultations, notamment chez les femmes qui habituellement sont éloignées des dispositifs de dépistage ?

Cette nouvelle campagne met en avant les trois professions en charge du suivi gynécologique des femmes, à savoir les gynécologues, les médecins généralistes et les sages-femmes. Cela est une très bonne chose que de rappeler aux femmes que de nombreux professionnels peuvent réaliser ce dépistage. Pour autant, nous ne disposons pas de chiffres sur l’efficacité de cette campagne, ni sur le profil des femmes qui vont réaliser un dépistage suite à cette campagne. Mis en place depuis un an, le dépistage du cancer du col de l’utérus  est réalisé grâce à un frottis cervico-utérin tous les trois ans. Ce dépistage est particulièrement important car, chaque année, 3200 nouveaux cas de cancer sont découverts chez les femmes et parmi elles, 1100 femmes en décèdent tous les ans selon les données de Santé Publique France.

Est-ce que le rôle des sages-femmes dans le suivi gynécologique est assez connu du grand public ? Y a t-il actuellement suffisamment d’information sur le fait que les sages-femmes puissent réaliser les frottis de dépistage du cancer du col et puissent délivrer des renseignements aux femmes?

Malheureusement, trop de femmes ignorent encore le rôle des sages-femmes dans le suivi gynécologique de prévention et donc, la possibilité de réaliser un frottis de dépistage chez une sage-femme. Toutefois, les habitudes évoluent : les sages-femmes sont désormais de plus en plus nombreuses à proposer à leurs patientes la possibilité de réaliser leur suivi gynécologique et la prescription de leur contraception, ce qui démontre que la demande existe et se développe. La campagne de l’Institut national du cancer représente un excellent vecteur pour informer les femmes sur les compétences des sages-femmes en matière de suivi gynécologique.

De nombreux professionnels de santé dénoncent le retard de la France en matière de dépistage du cancer du col et militent pour l’utilisation des tests HPV. Quelle est votre position?

Actuellement, un collectif de médecins spécialistes milite pour la mise en place du test HPV en première intention. Les arguments avancés par ce collectif méritent d’être exposés et soutenus : ils s’appuient en premier lieu sur le résultat   aléatoire du frottis, arguant de la faible sensibilité de celui-ci, avec un taux de 30% de faux négatifs. Par ailleurs, le dépistage organisé s’appuie sur la réalisation d’un frottis tous les trois ans, or seules 60% des femmes réalisent ce dépistage régulier. Le test HPV est un test moléculaire réalisé à partir d’un simple prélèvement vaginal qui peut être réalisé directement par la femme à son domicile. Sa facilité de réalisation permettrait de dépister plus de femmes : 32 cas de plus sur
10.000, selon une étude publiée par The Journal of the medical association en 2018. Le collectif estime ainsi qu’avec le test HPV, 30 femmes de plus par jour pourraient être dépistées en France.

Que pourrait-on faire d’après vous pour augmenter encore l’efficacité de la prévention sur le cancer du col?

La France reste un des seuls pays au monde où le dépistage organisé repose sur le frottis. L’Australie, l’Italie, la Belgique, le Royaume-Uni, la Suède, les Pays-Bas, la Turquie ont adopté le test HPV en dépistage primaire et le frottis en complément si le test est positif. Les États- Unis et l’Allemagne ont fait le choix d’opter pour les deux méthodes réalisées simultanément. Il reste donc à attendre les conclusions de la HAS qui devrait rendre son avis cette année et qui, nous l’espérons, se calquera sur les stratégies internationales. Ces préconisations n’auront un intérêt que si elles sont largement connues du public. On peut également mentionner la vaccination contre les infections à papillomavirus humains
(HPV), qui n’est pas assez répandue sur notre territoire. Si la France fait partie des 60 pays mettant en œuvre un programme de vaccination contre les HPV, la couverture vaccinale reste faible dans notre pays avec seulement 21% de jeunes filles vaccinées. Rappelons que l’impact de la vaccination est d’autant plus important que le nombre de jeunes filles vaccinées est élevé.

Source :

Sciences et Avenir

The Journal of the Medical Association

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