Et si pour administrer du surfactant, il n’était plus nécessaire d’intuber la trachée, geste qui peut être suivi d’une ventilation mécanique ou d’une extubation rapide pour remise en PPCn ? Des néonatologistes allemands et australiens ont proposé une alternative, moins invasive, via un fin cathéter par voie oro-pharyngée.

LISA soit « less invasive surfactant application » pourrait bien faciliter les débuts de vie des grands prématurés sous assistance respiratoire. Une pratique dominée par la crainte de la dysplasie broncho-pulmonaire. À la naissance, la Pression Positive Continue nasale [PPCn] est préférée pour éviter un barotraumatisme. L’apparition d’une détresse respiratoire sous PPCn pose la question de savoir si, quand et comment il faut utiliser le surfactant pulmonaire.

La décision d’administrer du surfactant implique une intubation de la trachée qui peut être suivie d’une ventilation mécanique… ou d’une extubation rapide pour remise en PPCn (séquence INtubation-SURfactant-Extubation [INSURE]). Mais il pourrait être bientôt possible d’envisager une alternative à l’intubation moins invasive pour instiller du surfactant : tout simplement en introduisant dans la trachée un fin cathéter par voie oro-pharyngée, sans interruption de la PPCn. Les essais contrôlés randomisés de cette « less invasive surfactant application » [LISA] rapportent des résultats respiratoires encourageants.

Ce que dit l’étude

Le plus récent de ces essais compare l’évolution à court terme de 107 prématurés de 23 à 26 semaines traités par PPCn et LISA à celle de 104 prématurés de même âge gestationnel traités par ventilation mécanique (sur sonde trachéale) et surfactant. Les patients, recrutés dans 13 centres périnatals allemands, avaient tous respiré spontanément, mais présentaient une détresse respiratoire précoce, évoquant une maladie des membranes hyalines (FiO2 > 30 % et/ou score de Silverman ≥ 5 avant H2). Ceux traités par PPCn et LISA ont reçu d’emblée de la caféine.

La manipulation pour l’administration mini-invasive de surfactant (LISA), sous PPCn, a été réussie dans 100 % des cas, dès la première tentative (73 %), ou après 2 ou 3 tentatives (27 %). Elle a entraîné une bradycardie chez 11 % des patients et une désaturation (SaO2 < 80 %) chez 56 %, corrigée par une ventilation au masque.

Pas moins de dysplasie broncho-pulmonaire
La LISA n’a pas empêché un recours fréquent à la ventilation mécanique. Près de 50 % des patients traités par PPCn + LISA ont dû être intubés et ventilés mécaniquement avant H72, et 75 % durant le séjour (presque 100 % aux âges gestationnels de 23-24 sem.). La durée de la ventilation mécanique après une intubation secondaire a été similaire à celle du groupe ventilé d’emblée (durée médiane : 8 jours versus 7 jours ; p = 0,27).

Le traitement combiné par PPCn et LISA n’a pas amélioré l’évolution respiratoire des patients. Le taux de survie sans dysplasie broncho-pulmonaire au terme corrigé de 36 sem. – le critère principal de jugement – a été un peu plus élevé chez les patients traités par PPCn + LISA que dans le groupe ventilé d’emblée (67,3 % vs 58,7 %), mais la réduction de risque absolue n’est pas significative (8,6 % ; intervalle de confiance à 95 % [IC 95 %] : – 5,0 à 21,9 ; p = 0,20). D’après les auteurs, l’absence de différence significative serait due aux résultats exceptionnellement bons dans le groupe ventilé d’emblée.

Taux de survie plus élevé dans les complications majeures

Le traitement par PPCn + LISA a, cependant, provoqué moins de complications. Comparativement au groupe ventilé d’emblée, les patients traités par PPCn + LISA ont fait moins de pneumothorax (4,8 % vs 12,6 % ; p = 0,04) et moins d’hémorragies intra-ventriculaires sévères (10,3 % vs 22,1 % ; p = 0,02). Ils ont aussi eu un taux plus élevé de survie sans complications majeures liées à leur très grande prématurité (50,5 % vs 35,6 % ; p = 0,02 ; réduction de risque absolue : 14,9 % ; IC 95% : 1,4 à 28,2).

Les conclusions de l’étude

« Au total, la LISA est « faisable » chez des extrêmes prématurés, mais elle nécessite sans aucun doute un apprentissage, souligne le Dr Jean-Marc Retbi pour le Journal international de médecine. Elle n’a pas réduit la dysplasie broncho-pulmonaire, mais a amélioré la survie sans complications majeures, ce qui incite à persévérer dans cette voie mini-invasive. » Et d’envisager que, dans quelques années, le surfactant pulmonaire, seul traitement logique de la maladie des membranes hyalines du prématuré, « ne s’administre plus par instillation directe dans la trachée mais par aérosols/nébulisations ».

Sources JIM/Dr J.-M Retbi/ Kribs A et al. Nonintubated surfactant application vs conventional therapy in extremely preterm infants: a randomized clinical trial. JAMA Pediatrics, 2015.

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