Suite au faits divers qui a précipité la fermeture de la maternité d’Orthez, le 23 octobre dernier, voilà l’alcoolémie en salle d’opération qui refait débat. Un député lance une proposition de loi, plutôt sujette à caution notamment parce que le texte limite le risque de l’alcoolémie à la salle d’opération. Le syndicat de chirurgiens LE BLOC a donc fait bloc…

Le député UMP de l’Oise Lucien Degauchy a déposé le 21 janvier dernier une proposition de loi visant à « soumettre à un test d’alcoolémie avant toute intervention chirurgicale les chirurgiens, les anesthésistes et les infirmiers ». On note qu’une fois de plus les sages-femmes ont été oubliées dans la liste, sans doute parce que la salle de naissance n’est pas considérée comme un espace chirurgical où des soucis peuvent être provoqués par une alcoolémie. Ce que révèle d’ailleurs l’article 2 de cette proposition de loi : « Il est interdit à tout membre d’une équipe médicale dont le test s’est révélé positif de participer à une intervention chirurgicale ». La mesure serait financée par « la création d’une taxe additionnelle », suggère Lucien Degauchy (payée par qui, on n’a pas bien compris…) Dans l’exposé des motifs, Lucien Degauchy rappelle évidemment la récente « erreur médicale due à l’ébriété d’une anesthésiste » qui « a causé la mort d’une patiente venue accoucher par césarienne ».

Le tollé d’une organisation syndicale

Dans un communiqué, le syndicat LE BLOC a décerné « la palme de la bêtise au député ». Pourquoi ? « Mauvaise réponse à un vrai drame », rétorquent les chirurgiens qui estiment que l’alcool au bloc opératoire « ne relève pas d’un problème de santé publique » comme c’est le cas en revanche de l’alcool au volant. Autrement dit faut-il légiférer pour quelques cas isolés ? Et dans ce cas, l’alcool est-il moins grave en salle de soins qu’en salle d’opération ? Une question à laquelle le député UMP a semblé répondre par défaut par l’affirmative.

Et dans les faits ?

Le dépistage ponctuel des praticiens de santé avait déjà fait l’objet d’une proposition par le Conseil consultatif national d’éthique en 2011, non retenue finalement par le législateur. Ce qui est rassurant, finalement, c’est que le sondage lancé par le Journal International de Médecine en juin 2011 à la suite de la proposition du CCNE a établi que 71% des professionnels de santé ne seraient pas opposés à un dépistage d’une addiction à l’alcool et aux stupéfiants. On peut en déduire que, sûrs de leur tempérance, ils estiment ce dépistage sans conséquence pour leur profession et plutôt facteur de bonne réputation. Ça, c’est l’interprétation optimiste. Ou alors, on peut interpréter ce score de manière plus pessimiste : ils estimeraient que la situation impose de mieux contrôler les risques d’addiction chez les professionnels de santé. Alors, quelle version l’emporte ?

Selon un sondage complémentaire, il semblerait que ce soit plutôt la seconde : en effet, 64% des abonnés au Journal International de Médecine estiment avoir dans leur entourage un professionnel de santé dont la consommation d’alcool (entre autre) nuirait à la bonne pratique de sa mission médicale. Un point donc pour le député Lucien Degauchy dont la proposition de loi n’est peut-être pas si absurde, mais peut-être tout simplement trop ancrée sur les risques au bloc, alors que ça débloque parfois dans tous les services et même en libéral quand l’alcool (et toute autre addiction d’ailleurs) vient perturber la capacité à exercer une fonction de soin, quelle qu’elle soit et met en danger la santé voire la vie du patient.

Mais faut-il légiférer pour autant ou simplement encourager une meilleure régulation confraternelle (avec prise en charge pluridisciplinaire du confrère en souffrance le cas échéant) au sein des cabinets et des établissements de santé ?

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