Dans son livre « Poussez, Madame ! », Sylvie Coché revient, par le biais d’anecdotes, sur ses 30 ans de carrière en tant que sage-femme. Histoires amusantes, émouvantes, coups durs, blagues de service… Un récit qui reflète le quotidien des sages-femmes et qui connait un beau succès en librairie. Entretien.

Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire  « Poussez, Madame ! » ?

Je racontais souvent mes histoires de garde à mon entourage qui me disait que je devrais en faire un livre. Et puis un jour, par le biais de connaissances, un éditeur m’a contacté. C’est un heureux hasard ! Ce livre, c’est le reflet de ma vie pendant trente ans. Depuis qu’il est sorti, je vis une aventure extraordinaire. Depuis début mars, 20 000 exemplaires ont été vendus. Je fais des radios, des télés… Jamais je n’aurais imaginé ça !

Comment expliquez-vous ce succès ?

Je crois que tout le monde s’y retrouve. Je pensais que ça intéresserait plus les professionnels que le grand public. Mais au final, il leur parle beaucoup aussi. Sur Amazon, j’ai pu lire quelques critiques qui disaient que c’était un récit de tranches de vie. Chacun a connu des naissances autour de lui.
Mes amis du milieu médical me disent que c’est génial ce que j’ai fait, qu’eux aussi ont plein de trucs à raconter ! Ça crée des vocations ! (rires)

A travers ces anecdotes, on voit que c’est un métier riche en émotions…

Oui ! On ne donne pas dans la demi-mesure ! C’est intense en émotions, en douleur, en stress… Il faut être réactif, empathique. C’est un métier difficile mais tellement enrichissant. On passe 12 heures par jour à travailler avec nos collègues. On crée des liens forts, notamment lorsqu’il y a des décès à surmonter. C’est une deuxième famille.

Qu’aimez-vous le plus dans ce métier ?

Quand j’ai le sentiment d’être utile. En tant que sage-femme, on a une grande puissance. C’est jubilatoire comme métier. On a la vie entre nos mains. Ca fait très peur. A chaque accouchement, on ressent de l’euphorie, de l’enthousiasme. Même si 9 fois sur 10 on ne sert à rien, car ça se passerait aussi bien si nous n’étions pas là. Mais il faut toujours être au top au cas où un problème surviendrait. Il faut rassurer les femmes si elles paniquent, toujours être sur le qui-vive.

Qu’appréciez-vous le moins ou que trouvez-vous de plus difficile ?

L’aspect médicolégal qui est ultra présent. Je vois bien l’évolution en plus de trente ans. On ne s’accorde pas le droit à l’erreur en tant que sage-femme, mais il y a une pression supplémentaire par des personnes qui exigent que tout soit parfait. On ne veut plus avoir mal du tout, que ça aille vite, on recherche le coupable si l’on doit pratiquer une césarienne en urgence… Ça vient plus de l’entourage que des patientes elles-mêmes d’ailleurs. Il y a plus de suspicions. Les gens nous disent qu’ils ont lu ou vu ceci cela sur Internet… On remet en doute notre professionnalisme alors qu’on fait de notre mieux. Ça ne nous simplifie pas la vie. Internet c’est très bien, ça fait partie de notre société. Mais les gens qui lisent des infos se font parfois de fausses idées sur les choses.

Vous exercez le métier depuis plus de trente ans. Quel regard portez-vous sur lui aujourd’hui ?

J’ai 30 ans de plus et je ne vois pas les choses de la même façon. A l’heure actuelle, je préfère être en fin de carrière qu’en début. Nous sommes tous dans des grosses structures aujourd’hui pour respecter des consignes de sécurité. Là où je travaille, nous faisons 4500 accouchements par an, nous avons 8 salles d’accouchement. Il y a un bourdonnement permanent, c’est plus stressant. Alors qu’à mes débuts, il m’arrivait d’être seule mais j’étais moins stressée. Les techniques ont évolué, les tâches administratives et légales sont très prenantes. Ça nous enlève du temps de présence avec les patientes alors que c’est un métier de communication. La moitié de notre travail consiste vraiment à rassurer les femmes.

La relation avec les parents est-elle différente ?

Oui, elle en est un peu affectée. Nous avons moins de temps à leur consacrer, mais on est là, quand il faut. Et ça, des sages-femmes de tout âge le disent : l’accompagnement n’est pas le même.

Que diriez-vous aux jeunes sages-femmes qui débutent leur carrière ?

Il faut garder de l’empathie, c’est la base de notre métier. Il ne faut pas se laisser submerger par la technologie. Il faut garder le contact avec les patientes aussi bien lors de l’accouchement qu’en suite de couches. Quand vous passez du temps avec elles, elles vous appellent moins à l’aide par la suite. Elles sont rassurées et se sentent moins seules. Tout le monde y gagne.

Quel est le moment le plus fort de votre carrière ?

L’un des plus forts est aussi l’un des plus tristes. Je ne le raconte pas souvent… Ça a été la perte d’une maman en 1988, en fin de travail. Ca a été le moment le plus fort, le plus épouvantable de ma carrière… Mais sa famille nous a quand même remerciés. Même si on n’y est pour rien, c’est dur à vivre.

Votre plus beau souvenir d’accouchement en tant que  sage-femme ?

Une patiente avait fait plusieurs fausses couches dont j’avais été le témoin. Le jour où je l’ai accouchée et où elle a donné la vie à une adorable petite fille, ça a été la plus grande des victoires ! J’ai beaucoup pleuré.

Un message aux sages-femmes qui nous lisent ?

Continuez de faire ce métier, c’est le plus beau du monde !

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Crédit photos : © Editions de l’Opportun

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