Déjà mis en cause dans l’augmentation du risque de cancer du sein et de maladies cardiovasculaires chez les femmes traitées, le traitement hormonal de la ménopause pourrait aussi être impliqué dans la majoration du risque d’un autre cancer hormono-sensible, celui de l’ovaire. Une étude fait le point pour permettre aux soignants de mieux informer leurs patientes, qui pourront ainsi décider en connaissance de cause de suivre ou pas un THM.

Objet de critiques méthodologiques portant notamment sur le type d’estrogènes utilisés, l’étude WHI (Women’s Health Initiative) publiée en 2002 a tout de même été à l’origine d’un coup de frein sur le traitement de la ménopause avec le THM : le nombre de femmes traitées par THM a été divisé environ par trois aux États-Unis et en Grande Bretagne mais des millions de femmes sont encore en Europe au « bénéfice » de ce traitement pourtant suspecté d’être impliqué dans l’augmentation du risque de cancer du sein et de maladies cardiovasculaires chez les femmes traitées. Plus récemment la question de la majoration par le THM du risque d’un autre cancer hormono-sensible, celui de l’ovaire, s’est également posée. Mais cette tumeur étant bien plus rare, les études épidémiologiques prises individuellement  manquent de puissance suffisante pour mettre en évidence un tel risque. C’est pourquoi un groupe collaboratif international s’est tourné vers la technique de la méta-analyse pour tenter de résoudre le problème.

17 études observationnelles prospectives regroupées

Sur 52 études épidémiologiques conduites depuis 1998 analysées au total, le groupe a concentré son attention sur les 17 études observationnelles prospectives afin d’écarter certains risques de biais inhérents aux études rétrospectives (biais de remémoration). Pour chacun de ces travaux, les auteurs principaux ont été contactés pour avoir accès non pas seulement aux résultats publiés mais aux données individuelles des femmes suivies prospectivement pour pouvoir affiner l’analyse. Ce travail minutieux et touffu a porté sur 12 110 femmes ménopausées ayant développé un cancer de l’ovaire (dont 55 % avaient pris à un moment quelconque un THM) qui ont pu être comparées à jusqu’à 4 témoins appariés.

Un risque de cancer de l’ovaire accru de 43 %

Pour les utilisatrices « actuelles » d’un THM, le risque relatif de cancer de l’ovaire est apparu augmenté de 43 % lorsque la durée du THM était inférieure à 5 ans (intervalle de confiance à 95 % [IC95] entre 31 et 56 %; p < 0,00001) et de 41 % lorsque la durée du THM était supérieure ou égale à 5 ans (IC95 entre 34 et 49 %; p < 0,00001). Pour les femmes ayant interrompu leur traitement après une utilisation de 5 ans ou plus, le risque persistait mais diminuait avec la durée d’arrêt (+ 29 % pour une interruption de moins de 5 ans et + 10 % pour un arrêt depuis 5 ans ou plus (avec un IC95 dans ce cas entre 1 et 20 %; p = 0,02). En revanche pour les femmes ayant interrompu la prescription après une durée médiane d’une année, l’augmentation du risque de cancer de l’ovaire après l’arrêt du THM n’était plus significative. Le risque relatif apparaît donc augmenter avec la durée d’utilisation et décroître progressivement après l’arrêt du THM (ce qui semble en faveur d’une relation causale).

Un cas supplémentaire pour 1 000 utilisatrices pendant 5 ans

Une analyse détaillée de ces résultats a montré qu’ils n’étaient pas sensiblement modifiés en les ajustant par d’autres facteurs de risques connus. De plus un accroissement du risque était retrouvé de façon équivalente que le THM soit estrogénique pur ou estro-progestatif et que les études aient été conduites en Amérique du Nord ou en Europe (c’est à dire en pratique sur des populations non similaires et avec des produits non identiques). Il faut noter cependant qu’on ne dispose pas de données sur l’influence des posologies utilisées sur ce sur-risque.

Un dernier élément laisse penser qu’il s’agit sans doute d’une relation causale. En effet si les risques de cancers épithéliaux séreux et endométrioïdes paraissent significativement accrus par le THM (respectivement + 53 % et + 42 %), celui des tumeurs mucineuses ne l’est pas et celui des cancers rares à cellules claires semble même peut être réduit par le THM (diminution de 25 % avec un IC 95 entre – 2 et  – 43 %; p=0,04). Il paraît ainsi difficile d’imaginer que l’augmentation du risque constatée sur l’ensemble des types de cancer ait pu être liée à un facteur de confusion qui aurait influencé les résultats sélectivement et non à une action biologique à une phase quelconque de la carcinogénèse.

Pour quantifier l’importance du risque en valeur absolue, les auteurs ont estimé à partir de ces données que pour 1 000 utilisatrices débutant le THM autour de 50 ans et le poursuivant durant 5 ans un cas supplémentaire de cancer de l’ovaire serait à déplorer avec un nouveau décès dû à cette tumeur pour 1 700 utilisatrices.

Des conclusions à prendre en compte

Pour les auteurs, ces nouvelles données sont suffisamment robustes pour que le risque de cancer de l’ovaire, même s’il est plus limité en valeur absolue que celui de cancer du sein, soit pris en compte dans toutes les recommandations professionnelles sur le THM (ce qui n’est pas le cas actuellement). Et qu’il soit exposé aux éventuelles candidates à ce traitement, à côté des autres risques connus et des bénéfices attendus, pour que leur décision soit prise en toute connaissance de cause.

Sources Journal International de Médecine /Dr A. Roublev / Référence Collaborative Group on Epidemiological Studies of Ovarian Cancer : Menopausal hormone use and ovarian cancer risk: individual participant meta-analysis of 52 epidemiological studies. Lancet 2015; publication avancée en ligne le 13 février 2015 (doi: 10.1016/S0140-6736(14)61687-1).

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