Des étudiants en médecine lyonnais ont-ils été invités à s’initier au toucher vaginal sur des patientes encore endormies en salle d’opération ? C’est ce que révèle le site Métronews, qui relate la découverte de carnets de stage d’externes, datés de 2010, par un pharmacien. De quoi relancer une vieille polémique…

La qualité de l’apprentissage impose-t-elle de mettre en péril le respect dû au patient ? C’est ainsi que pourrait se résumer la polémique en cours autour de TV supposés pratiqués sur des patientes encore anesthésiées, donc inconscientes de ce qui se passait. Ces carnets de stage réservés aux externes exposent les objectifs de la formation en gynécologie, et notamment l’apprentissage du toucher vaginal. Selon différents documents consultés par ce pharmacien, l’initiation préconisée pourrait se faire au bloc opératoire sur des patientes endormies. Ce ne sont bien évidemment que des préconisations de modalités d’apprentissage de cet examen gynécologique et rien ne dit que ces touchers vaginaux expérimentaux ont bien eu lieu dans les termes définis, c’est-à-dire sur des patientes endormies. Et si cela a été le cas, les dites patientes ont-elles été informées préalablement et ont-elles donné leur accord ? Évidemment, les carnets, qui ne sont que des parcours de savoirs à acquérir, ne le précisent pas. « Le consentement doit porter non seulement sur la présence de l’externe mais aussi sur les actes qu’il réalise », confirme au site Metronews Bénédicte Bévière, maître de conférences en droit privé à l’Université de Paris VIII, propos repris le 3 février par le Journal International de Médecine.

Ceci étant, selon les différents spécialistes interrogés sur cette affaire, il semble rarissime que des patients devant subir une intervention soient avertis de ce qui se passe en salle d’opération. A la fois pour préserver leur quiétude et pour éviter les conflits, si le patient refuse d’avance un examen qui pourrait s’avérer pourtant nécessaire.

Le Conseil de l’Ordre dément avoir été saisi

L’affaire a été révélée par le site Metronews et provoque un certain remous tant au sein de l’Université Lyon 1 qu’au Conseil de l’Ordre. Alors que Metronews n’hésite pas à parler de scandale, les démentis affluent. Ces carnets de stage ne seraient que des préconisations qui n’auraient été suivies, selon l’un des médecins responsables des stages, car, pour lui, réaliser des TV sur des patientes sans leur consentement n’était même pas imaginable. D’autres démentis qualifient ces carnets de « documents obsolètes et non utilisés ». Pour le Conseil de l’Ordre, sollicité par plusieurs médias, l’affaire est entendue : « si des faits de cette nature s’étaient produits, l’Ordre ne doute pas un instant que des professionnels de santé, infirmiers ou aides-soignants, travaillant au sein de cet établissement auraient saisi les instances compétentes ». Comme ce ne fut pas le cas, il ne s’est donc rien passé, de l’avis du Conseil de l’Ordre.

Des témoignages pourtant concordants

Pourtant, il semblerait que des étudiants aient déjà raconté ce genre de pratiques sur des patientes anesthésies lors d’une enquête auprès d’étudiants en médecine à Nantes sur leur apprentissage de plusieurs types d’examens dont le TV des étudiants en gynécologie à Nantes , sur des blogs et sur des forums, relativement récemment : plusieurs témoignages d’étudiants ont ainsi été relevés entre 2006 et 2011.

Pas plus tard qu’en 2014, le Dr Martin Winckler, médecin généraliste spécialiste de la contraception et surtout ferveur défenseur de la bientraitance des patients, a également fait allusion à des pratiques bien établies, comme le rappelle aujourd’hui le Journal International de Médecine : « En faculté de médecine, en France, il a longtemps été – et il est encore – d’usage que les étudiants « apprennent » à faire des examens gynécologiques sur des patientes endormies, en salle d’opération. Je parle d’interventions non gynécologiques, mais s’il s’agit d’interventions gynécologiques c’est pareil car ces patientes n’ont pas été prévenues (…).Cette pratique est dénoncée par de nombreux étudiants et médecins. Elle devrait être bannie (elle l’est dans d’autres pays, plus évolués sur ce point que la France), mais elle n’est pas dénoncée par les enseignants, ni par le conseil de l’Ordre, ni par le ministère de la santé, ni par les syndicats, ni par personne dans les milieux « autorisés ». Donc, non seulement c’est un viol, mais c’est un viol couvert par les personnes responsables », dénonçait-il.

Un scandale en cours ?

Alors que faut-il en penser ? La polémique s’emballe, d’autant que la doyenne de l’Université de Lyon 1, dans le quotidien régional Le Progrès, ne nie pas totalement l’existence de cette pratique. Interviewée par la rédaction, elle explique que « ces actes ne se font que lors d’opérations chirurgicales abdomino-pelviennes où un  » trio » composé d’un senior, un interne et un externe intervient ». Donc… ça a bien eu lieu, fut-ce à une époque révolue, si l’on s’en tient aux dires de la doyenne. Simple polémique ou vrai scandale ? Les suites données à cette affaire en décideront.

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