Enceinte et atteinte d’un cancer… Autant dire stress élevé, examens nombreux et traitements lourds à toxicité élevée pour le fœtus. Quel impact peuvent avoir ces facteurs de risques pour le fœtus et l’enfant puis l’adulte qu’il va devenir ? Une nouvelle étude apporte des éléments rassurants à trois ans après la grossesse.

Les informations sur les conséquences sur le fœtus d’une prise en charge d’un cancer pendant la grossesse sont essentielles pour permettre au praticien de décider de débuter ou non une chimio, de déclencher l’accouchement parfois prématurément ou d’interrompre la grossesse. Et pour la patiente enceinte qui doit pouvoir décider de plein gré. « Les données disponibles émanent essentiellement d’études de cohorte rétrospectives et sont finalement plutôt limitées », écrit le Dr Marie-Line Barbet dans le Journal International de Médecine.

Afin de préciser le devenir à long terme des enfants nés de mère ayant fait l’objet d’un diagnostic de cancer au cours de leur grossesse, des gynécologues-obstétriciens participant au réseau Cancer, infertilité, et grossesse (INCIP pour International Network on Cancer, Infertility, and Pregnancy) ont entrepris une étude cas témoin multicentrique (en Belgique, Pays-Bas, Italie et République tchèque).

La méthodologie : comparer des enfants de mère atteinte d’un cancer au cours de leur grossesse à d’autres appariés (1:1) dont la mère n’avait pas connu ce type de problème. « Les dossiers médicaux et un questionnaire ont été exploités pour évaluer la « santé globale » et tous les enfants ont été surveillés prospectivement avec des examens, pédiatriques et neurologiques et la mesure des scores aux échelles de développement du nourrisson de Bayley à 18 mois et/ou 36 mois. Un examen cardiaque (ECG et échocardiographie) a été fait à 36 mois », précise le Dr Barbet.

Ce que dit l’étude

129 enfants d’un âge médian de 22 mois (12 à 42) dont les mères avaient eu un cancer pendant la grossesse ont été comparés (entre 2005 et 2011) à un groupe contrôle apparié pour le sexe, l’âge gestationnel à la naissance et la date d’évaluation du score de Bailey. 96 d’entre eux (74,4 %) avaient été exposés in utero à une chimiothérapie isolée ou associée à d’autres traitements, 11 avaient été exposés à la radiothérapie seule (8,5%) ou combinée à d’autres traitements, 13 avaient été exposés à la chirurgie isolément (10,1 %), 2 à d’autres types de traitement pharmaceutique (1,6 %) et 14 (10,9 %) à aucun traitement.

Plus de prématurité mais un développement normal à 3 ans

Les enfants de mère atteinte d’un cancer sont nés à un âge gestationnel médian de 36 semaines (27 à 41) ; 61,2 % (79) étaient prématurés, un taux bien plus élevé que dans la population générale. Le nombre et le type de malformations congénitales étaient semblables à ceux observés dans la population générale. Le poids de naissance était en dessous du 10e percentile (pour l’âge gestationnel) pour 28 parmi 127 (22 %) des enfants exposés in utero à un cancer maternel et 19 des enfants du groupe contrôle (15,2 % ; p = 0,16), une différence non significative. « Plus précisément, 24 sur 95 enfants (25 %) exposés à une chimiothérapie et 4 des 11 exposés à une radiothérapie étaient petits pour l’âge gestationnel (PGA).

Elément rassurant, il n’y avait pas de différence significative du développement cognitif selon les scores de Bailey (p = 0,008) ni entre les groupes ni dans les analyses de sous-groupes », précise le Dr Barbet. Quant à l’exploration cardiaque à 3 ans, l’examen était normal.

« Ainsi l’exposition prénatale à un cancer maternel traité ou non ne semble pas avoir d’impact sur le développement cognitif, cardiaque ou général dans la prime enfance. La prématurité était certes corrélée avec un moins bon pronostic cognitif mais ses effets sont apparus indépendants du traitement du cancer », conclut le médecin rapporteur de l’étude. Des données rassurantes pour l’obstétricien qui a à faire face à un cas de cancer chez une femme enceinte, une éventualité rare apparemment puisqu’elle ne se présenterait pour un praticien, même dans un centre très actif, qu’une fois tous les 8 ans…

De cette nouvelle étude ressort néanmoins une consigne de prudence : éviter de traiter le cancer au cours du premier trimestre de grossesse et réexaminer périodiquement « l’innocuité » des nouveaux traitements qui ne cessent d’apparaître en cancérologie.

Sources Amant F et coll. : Pediatric Outcome after Maternal Cancer Diagnosed during Pregnancy. N Engl J Med. 2015 ; publication avancée en ligne le 28 septembre DOI: 10.1056/NEJMoa1508913.
Greene MF et Longo DL : Cautious Optimism for Offspring of Women with Cancer during Pregnancy (Editorial). N Engl J Med., 2015.

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