La chirurgie bariatrique concerne de plus en plus de jeunes femmes qui entreront ensuite en projet de grossesse. Mais quelles sont les conséquences de cette chirurgie sur le déroulement de la grossesse ? Jusqu’ici, l’analyse s’en tenait à quelques cas particuliers. Désormais, une étude suédoise apporte des éclaircissements plus exhaustifs. Qui restent à confirmer par de nouvelles études.

Entamer une grossesse alors qu’on est en fort surpoids, c’est risqué. Aux États-Unis par exemple, on estime que 36 % des femmes adultes sont obèses (IMC supérieur à 30) avec un pourcentage de patientes souffrant d’obésité morbide (IMC entre 40 et 50) ou de super-obésité (IMC supérieur à 50) en progression. D’où grossesses à complications : diabète gestationnel, macrosomies, complications à l’accouchement, prématurité, morts fœtales, malformations congénitales… Entre autre. Dans ce contexte, la chirurgie bariatrique s’est imposée comme une solution de recours depuis quelques années. Manquait juste une étude observationnelle pour en estimer les avantages et les inconvénients. C’est chose faite. En s’appuyant sur un outil épidémiologique exceptionnel, le Swedish Medical Birth Register qui collige les données de 98 % des naissances survenues en et 2011, les chercheurs ont analysé 670 grossesses après chirurgie bariatrique aboutissant à la naissance d’un enfant unique. Le poids des patientes était connu avant l’intervention chirurgicale. IMC, âge, parité, consommation de tabac, niveau d’éducation et année d’accouchement figuraient parmi les critères. Parallèlement 5 grossesses contrôles survenues sur des femmes obèses non opérées ont été étudiées.

Moins de diabète gestationnel mais peut-être plus mortalité chez les bébés

Il est apparu que la chirurgie bariatrique avant la grossesse était associée à une réduction significative du risque de diabète  gestationnel (1,9 % contre 6,8 %; p<0,001) et de donner naissance à un nouveau-né de poids élevé pour l’âge gestationnel (8,6 % contre 22,4 %; p<0,001). De façon moins attendue, la chirurgie bariatrique préalable à la grossesse était associée à une augmentation significative du risque de petit poids de naissance pour l’âge gestationnel  (15,6 % contre 7,6 %; p < 0,001) et à une gestation plus courte (273 jours en moyenne contre 277,5 jours ; p < 0,001) sans toutefois d’accroissement significatif de la fréquence de la prématurité (10 % contre 7,5 % ; p = 0,15).

Mort-nés et décès néonataux étaient plus fréquents (1,7 % contre 0,7 %) sans que la différence atteigne le seuil de significativité statistique (p = 0,06) sans doute du fait de la relative rareté de ces événements.

Ces associations ont été confirmées quel que soit l’IMC avant l’intervention, l’amplitude de la réduction de poids après chirurgie ou la parité.

Des nombreux facteurs de confusion possibles

Bien que d’ampleur exceptionnelle, cette étude a bien sûr des limites comme tous les travaux observationnels, en raison notamment des nombreux facteurs de confusion possibles qui n’ont pu être tous éliminés malgré le soin des appariements et des ajustements réalisés.

De plus, les auteurs n’ont pas tenu compte des antécédents de complications lors de grossesses précédentes et surtout n’ont pas pu prendre en considération les éventuelles différences entre les femmes obèses qui, à IMC égal, optent ou non pour une chirurgie bariatrique. « Ces réserves étant émises, il semble que l’on puisse conclure, faute de pouvoir réaliser un essai randomisé sur ce thème, que la chirurgie bariatrique réduit bien le risque de diabète gestationnel et de macrosomie fœtale ce que suggérait déjà la littérature sur le sujet », souligne le Dr Céline Dupin dans le Journal International de Médecine.

Informer les femmes des avantages et des inconvénients obstétricaux

Revers de la médaille, ces résultats vont également dans le sens d’une réduction de la durée de la gestation, d’un accroissement du risque de naissance d’enfants de petit poids pour l’âge gestationnel et d’une augmentation à la limite de la significativité de la fréquence des mort-nés et de la mortalité néonatale. « Cette tendance à la surmortalité pour les enfants de femmes opérées, mériterait d’être confirmée ou infirmée par d’autres études. Si elle était avérée, elle pourrait être liée aux risques accrus de carences en protéines, en fer, en vitamines D et B12 et en calcium qui peuvent s’observer après court-circuit intestinal. D’autres explications ne sont bien sûr pas exclues », conclut le Dr Céline Dupin.

En pratique, pour l’éditorialiste du New England Journal of Medicine, à la suite de cette publication et des recommandations de l’American College of Obstetricians and Gynecologists, il convient de conseiller un délai de 12 à 24 mois après l’intervention pour débuter une grossesse afin d’éviter la période où la perte de poids est la plus rapide et de rechercher systématiquement les carences qui peuvent être induites par les court-circuits intestinaux afin de les compenser. L’ensemble de ces avantages et inconvénients obstétricaux devrait naturellement être porté à la connaissance des femmes obèses envisageant une chirurgie bariatrique.

Sources JIM/Dr C. Dupin / Etudes Johansson K et coll.: Outcomes of pregnancy after bariatric surgery. N Engl J Med 2015; 372: 814-824 et Caughey A : Bariatric surgery before pregnancy – Is this a solution to a big problem? N Engl J Med 2015; 372:877-878.

Laisser un commentaire