Le décret publié le 6 juin autorisant les sages-femmes, sous certaines conditions, à pratiquer des IVG médicamenteuses et à prescrire un arrêt de travail suite à cette intervention (ainsi qu’à pratiquer la vaccination sur les nouveau-nés et leurs familles), aura sans doute fait plus pour la reconnaissance des compétences des sages-femmes que prévu initialement. En effet, les communiqués successifs du Syngof, avec les propos étonnamment et, accordons-lui le bénéfice du doute, sans doute involontairement méprisants pour les femmes, d’une de ses éminentes représentantes, a permis à l’opinion de relativiser les craintes exprimées par le Syngof « de voir la médecine pratiquée par des gens qui ne l’ont jamais apprise  »…

Des propos sans analyse

A trop vouloir crier au loup, on finirait par se faire mordre, non ? Comment l’opinion publique peut-elle entendre qu’une femme qui fait le choix de ne pas poursuivre une grossesse non désirée n’a qu’à avorter un jour férié ou prendre un jour de congé pour le faire ? Parce qu’après tout, les hommes n’ayant pas droit à un jour de congé pour avorter, pourquoi les femmes y auraient-elles droit dans un contexte d’égalité des droits au travail ? On rêve éveillée… Serait-ce à dire que les femmes qui avortent tôt dans leur grossesse sont des écervelées qui n’ont pas d’âme, pas de cœur, pas de sentiment et avalent le RU486 comme des bonbons… ? Depuis la loi Veil, on croyait en avoir fini avec cet esprit conservateur et naguère misogyne. Sauf que là, on est en 2016 et c’est une femme, une gynécologue de surcroit, qui s’est offert un beau galop d’honneur avec ces propos qui lui assurent, pour un moment, une renommée certaine.

Un conflit de générations ?

Certes, il ne faut aller chercher trop loin pour comprendre les raisons de ces envolées lyriques qui ne volent pourtant pas haut. L’IVG médicamenteuse par les sages-femmes n’est que l’arbre qui cache la forêt, autrement dit le refus de l’élargissement des compétences des sages-femmes. Comme si donner à l’un était forcément reprendre aux autres ? « Tout ça, c’est une affaire de générations, balaie d’un haussement d’épaules une sage-femme enseignante qui tient à garder l’anonymat. Les jeunes gynécologues sont beaucoup moins campés sur leurs prérogatives, travaillent beaucoup plus volontiers en équipe avec les sages-femmes et sont contents de leur laisser la contraception et les frottis, ainsi que les suivis des grossesses à bas risques. Eux préfèrent se concentrer sur la pathologie et sur la PMA. Les seuls à réagir sont les plus âgés, qui ont connu d’autres mœurs quand la PACES n’existait pas et ont toujours eu un peu le melon devant le petit peuple. Et les libéraux, bien sûr, qui craignent de voir leur chiffre d’affaires baisser si la patiente a le choix de se faire suivre par une sage-femme pour les grossesses et les suivis gynécologiques à bas risques. » Bref, juste une affaire d’ego et de gros sous ?

Au Conseil National de l’Ordre des Sages-Femmes, on relativise : « Donner autant de nouvelles compétences aux sages-femmes, c’est un changement de paradigme et forcément, comme tout changement, cela créée des tensions, tempère Marianne Benoît-Truong, vice-présidente. Les choses se feront et les tensions s’apaiseront petit à petit. »

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