Pourtant relativement favorables à l’élargissement des compétences des sages-femmes en matière d’avortement médicamenteux, les gynécologues s’insurgent, par un communiqué du Syngof, du droit de prescription d’un arrêt de travail de courte durée par les sages-femmes, suite à l’IVG. Pourtant, ce droit de prescription d’arrêt de travail, les sages-femmes l’ont depuis belle lurette. Cherchez l’erreur…

Conflit larvé gynécos/sages-femmes ou atteinte aux droits des femmes de disposer de leur corps ? Ou les deux ? Ce qui ressort surtout du communiqué, c’est finalement l’opposition au décret du 5 juin et au dernier élargissement des compétences des sages-femmes. L’arrêt de travail ne serait-il qu’un angle d’attaque ? En effet, en relevant que « tout arrêt de travail relève d’une situation pathologique et que toute situation pathologique relève d’une prise en charge médicale par un médecin », le Syngof n’oublie pas de souligner que les IVG médicamenteuses « peuvent présenter un risque de morbidité voire de mortalité » et que dans ce cas l’intervention d’un médecin est obligatoire. Et pointe de son courroux « les prémices d’une médecine pleinement exercée par une profession qui ne l’a jamais apprise, avec les risques que cela comporte pour les patientes ». C’est bien, finalement, l’IVG médicamenteuse par les sages-femmes qui passe de travers, l’arrêt de maladie n’étant qu’un prétexte à relancer le débat. Et pourtant, en son temps, le collège national des gynécologues-obstétriciens de France (CNGOF), s’était prononcé en faveur de la pratique de l’IVG médicamenteuse par les sages-femmes, soulagé que cet élargissement des compétences de ces dernières « augmente l’accès des femmes à l’IVG et améliore l’offre de soin », selon le Pr Bernard Hédon, président du CNGOF. Alors pourquoi tant de bruit autour de la prescription éventuelle d’un arrêt de travail de courte durée par les sages-femmes post IVG médicamenteuse ?

Faux débat autour de l’égalité professionnelle ?

Par médias et réseaux sociaux interposés, ce débat finit par être particulièrement nauséabond, et pas que pour les sages-femmes. Pour les femmes en général. Car l’un des éminents membres du Syngof ne mâche pas ses mots en direction des femmes tout court : selon le Dr Elisabeth Paganelli, pour une IVG médicamenteuse, point n’est besoin de jours d’arrêt de travail, « il suffit de poser un jour de congé avant un week-end ou de choisir l’un des jours fériés s’il y en a à ce moment-là ». Qu’une femme, fût-elle gynécologue libérale, écrive cela, a de quoi surprendre ! Authentique mépris pour les femmes qui décident d’avorter ? Alors que pour la plupart des femmes, c’est un choix difficile et douloureux qui exige parfois un peu de repos pour gérer le chamboulement émotionnel et physique de cette intervention. Mais voilà, selon la gynécologue, au nom de l’égalité professionnelle homme-femme, il faut donc avorter sur ses jours de congé et filer au boulot le lendemain comme si de rien n’était. Après, faut-il s’étonner que les patientes estiment dans leur grande majorité que les sages-femmes leur manifestent plus d’empathie que les gynécologues en général ?

Misogynie ou intérêts corporatistes ?

Un peu misogyne, le Syngof ? Certains l’ont supposé, une directrice d’hôpital, spécialiste du droit des femmes, ironise même sur Twitter : « Entre les obstétriciens qui veulent pas qu’on accouche le week-end et ceux qui veulent pas qu’on avorte en semaine…». La sage-femme et blogueuse Marie accouche-là n’y va pas non plus avec le dos de la cuillère à pot, rappelant que pour beaucoup de salariés, le jour de congé doit être justifié à l’employeur et qu’une telle disposition imposerait aux femmes de révéler leur choix d’avorter à leur patron ou d’inventer un mytho pour obtenir ce précieux sésame. Et si le patron refuse ? Elles gardent le bébé ? Elles inventent un truc au risque de se faire prendre la main dans le sac en délit de mensonge, ce qui peut être un motif de licenciement ? Ou là, et seulement là, on fait un accro au principe rappelé dans le communiqué qui veut que « seule une situation pathologique exige une prescription d’arrêt de travail et que toute situation pathologique relève d’un suivi par un médecin » ? Le refus d’un jour de congé par l’employeur serait une situation pathologique, mais pas l’IVG médicamenteuse qui n’empêche pas d’aller travailler le lendemain, même si on a mal au ventre, même si on saigne beaucoup, même si on a le moral au bout des chaussettes ?

Premières victimes, les femmes

Beaucoup de commentateurs ont vu dans ces prises de positions une culpabilisation des femmes qui avortent. Un recul qui n’aurait pas grand-chose à envier à la véhémence des débats autour de la loi Veil, en son temps ? Ce qui est bien dommage, c’est que ce sont les femmes qui servent de munitions à cette guerre larvée gynécos/sages-femmes. Quant au débat sur la légitimité d’une prescription d’un arrêt de travail par les sages-femmes, c’est oublier un peu vite que ce droit, la profession l’a déjà, puisqu’une sage-femme peut prescrire un arrêt de quinze jours maximum pendant la grossesse. « Que l’élargissement des compétences des sages-femmes fasse régir les médecins est normal, tout changement est toujours difficile à accepter et vécu comme une atteinte à ses propres droits et puis ça se tasse, comme en 2009 quand les sages-femmes ont été autorisées à assurer le suivi gynécologique des femmes en bonne santé  », relativise Marianne Benoit-Truong, vice-présidente de l’Ordre National des Sages-femmes. Mais le débat a le mérite de montrer qu’en 2016, les femmes qui choisissent d’avorter sont encore considérées par beaucoup comme des coupables en puissance…

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