L’automne 2014 a signé la fermeture de la maternité d’Orthez. Effet collatéral de cette fermeture, la disparition du « plateau technique » obstétrical où des couples, accompagnés de leur sage-femme libérale, venaient mettre leur enfant au monde. Les négociations d’accès à d’autres plateaux techniques à proximité sont restées vaines. Le topo de Caroline Combot, sage-femme en Lorraine, pour rappeler l’intérêt de l’ouverture des plateaux techniques : pour les parents certes, mais surtout pour les sages-femmes libérales.

Les parents, premiers bénéficiaires et ambassadeurs de l’ouverture des plateaux techniques. La preuve par l’exemple !

1er Janvier 2015, Thomas est né. Il est le deuxième enfant de Johanna et Stéphanei. Thomas est né dans une maternité de niveau 1, 19 mois après sa sœur qui, elle, était née dans la maternité de niveau 3 la plus proche. Johanna et Stéphane racontent la sécurité d’un environnement médicalisé choisi pour la naissance de leur premier enfant, l’efficacité de la péridurale et puis l’arrivée de Camille, leur aînée… Le bonheur et l’émotion ressentis, mais aussi l’anonymat de la prise en charge, la multiplicité des intervenants. A leur retour à la maison, ils sont heureux de présenter Camille à la sage-femme libérale qui les a préparés et qui accompagne Johanna dans son allaitement. Quelques mois plus tard, un nouveau bonheur s’annonce. Entre temps, ils ont découvert que la sage-femme libérale propose aussi un accompagnement global à la naissance avec accouchement en plateau technique. Elle a en effet passé une convention avec la maternité locale.

En confiance avec LEUR sage-femme, les critères et les envies pour la naissance de Camille laissent la place à une toute autre forme de projet pour ce deuxième bébé, Thomas.
En ce 1er janvier 2015, Stéphane accompagne activement Johanna, ils mettent en pratique les « exercices » -comme ils disent- déjà expérimentés pendant la grossesse, ils oublient la péridurale, les mots croisés restent dans la poche de Stéphane. Et l’enfant parait…
« On a beau être déjà parents, c’est la première naissance que nous vivons pleinement » disent-ils, deux jours après, encore tout émus de ce moment partagé.

L’accès à un plateau technique : récit d’une conquête… à s’emparer ailleurs !

Elle (ainsi la nommera-t-on au fil de ce récit) a 29 ans, diplômée sage-femme depuis 6 ans et déjà 2 années d’exercice libéral en Accompagnement Global à la Naissance (AGN) (terme déposé à l’INPIii en 2004).

Jeune diplômée, Elle trouve un emploi dans la maternité où elle accompagne les couples aujourd’hui. Elle y restera employée jusqu’à la naissance de son premier enfant. Avec cette maternité, son projet d’activité libérale s’affine puis se matérialise. En parallèle commencent les négociations avec la maternité pour l’accès au plateau technique. Des contrats existent déjà avec d’autres praticiens libéraux. Ce n’est pas nouveau pour cet hôpital qui, pour augmenter son activité, a été à l’origine de cette offre.
Le cabinet ouvre enfin ses portes. Rapidement les femmes sont au rendez-vous pour des demandes plus « classiques » : rééducation du périnée, préparation à la naissance. Elle leur parle aussi de l’AGN.

Un premier couple se présente, ils donneront naissance à leur enfant 5 mois après l’ouverture du cabinet.
Cet accompagnement demande une grande disponibilité. Elle a la chance de pouvoir compter sur des appuis extérieurs qui lui facilitent son organisation familiale. Néanmoins, pour chaque naissance, elle reste en « alerte » dans les semaines qui précèdent le terme, déplace des rendez-vous prévus quand sa présence auprès du couple l’exige.
Cette disponibilité a aussi un prix. Comme beaucoup de consoeurs en AGN, le tarif de base de la sécurité sociale pour un accouchement (349,44€) ne couvre pas ses frais, d’autant plus qu’elle en reverse 30% à l’établissement qui l’accueille. Elle a donc choisi de demander un dépassement d’honoraires (parfois pris en charge par certaines mutuelles) que les couples ne refusent jamais de verser.

Lors d’une naissance, Elle retrouve les parents, soit chez eux, soit à la maternité. En fonction du stade de l’accouchement, une chambre étant mise à leur disposition, ils peuvent choisir de rester en chambre ou de se rendre directement en salle de naissance. Elle reste seule à veiller sur le couple mais l’équipe de garde reste disponible en cas de besoin.
La plupart des femmes accompagnées choisissent d’accoucher sans péridurale.
Dans beaucoup d’établissement ayant passé contrat avec une sage-femme libérale, le rôle de cette dernière s’arrête lors de toute médicalisation. Elle passe alors la main à l’équipe de garde. Pour notre sage-femme, l’hôpital accepte qu’elle continue la prise en charge même en cas de médicalisation, en collaboration avec l’équipe. « C’est l’avantage d’être une ancienne de la maison », dit-elle. Cela rassure aussi beaucoup les couples lors de leur choix.
Après la naissance, le couple a la possibilité de rentrer à la maison après 2 heures (et examen du bébé par le pédiatre) ou de rester en hospitalisation quelques jours. Quel que soit leur choix, Elle passe les voir tous les jours. C’est Elle qui fait la visite de sortie en cas d’hospitalisation.

Le bouche à oreille fait peu à peu son office, les demandes affluent. Elle a accueilli récemment une collaboratrice pour prendre charge les demandes hors AGN qu’elle ne peut plus satisfaire. Elle aspire à se limiter à « ses » couples AGN qu’elle revoit lors des consultations de suivi gynécologique de prévention et de contraception. En 2014, c’est 21 couples qu’Elle aura accompagnés grâce à l’ouverture du plateau technique.

Accéder au plateau technique d’un établissement de santé : les modalités pratiques à connaître.

Historiquementiii, cet accès aux plateaux techniques des hôpitaux, est un combat que l’ANSFLiv a débuté en 1984 et qui a aboutit à la Loi du 31 juillet 1991 et au décret du 8 Août 1991 portant sur le code de déontologie des sages-femmes.
Depuis, d’autres textes ont complété ces premiers. En 2009, avec la Loi HPST, ce ne sont plus seulement les hôpitaux publics non régionaux qui sont concernés mais aussi les établissements privés et les CHR.

L’ouverture d’un plateau technique peut se faire à l’initiative de l’établissement ou à la demande du professionnel de santé libéral. Diverses instances doivent valider ce projet : la commission médicale de l’établissement, la direction de l’établissement et l’agence régionale de santé (ARS). Tous les détails de cette procédure sont accessibles sur le site du Conseil de l’Ordre Des Sages-Femmes ainsi qu’un modèle de contrat. Ce contrat est établi pour une durée définie, renouvelable. Il stipule les conditions d’utilisation du plateau technique, la rémunération des actes et la redevance payée à l’établissement. Il prend en compte les orientations stratégiques prévues dans le contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens conclus entre l’établissement et l’ARS.

Le professionnel s’y engage à respecter les recommandations de bonnes pratiques professionnelles, les projets et règlements ainsi que programmes de l’établissement, la continuité des soins. Il doit être porté à la connaissance du Conseil de l’ordre des sages-femmes, qui autorise aussi l’activité multi-sites. La sage-femme doit déclarer cette activité à son assureur.

Combien de plateaux techniques déjà ouverts en 2015 ?

Les premières sages-femmes à faire ces démarches se sont souvent retrouvées face à des murs. Puis, peu à peu, les portes se sont ouvertes, notamment celles de « petites » maternités qui voyaient là un moyen de les sauver de la fermeture. Au 15 janvier 2015, 36 sages-femmes disant exercer en plateau technique sont référencées sur le site internet de l’ANSFL et un rapide tour d’horizon sur un site dédié aux projets de naissance permet d’identifier au moins 31 établissements ouvrant leur plateau technique.

Certains établissements n’hésitent pas à communiquer dans la presse autour de ces possibilités offertes aux usagers. On citera pour 2014, de façon non exhaustive, la Clinique Sarrus-Teinturiers à Toulousev, et le CHIVA à Foixvi.

L’ouverture des plateaux techniques aux sages-femmes libérales semble bien offrir des débouchés prometteurs à la profession, tant du côté des établissements de niveau 1 que des sages-femmes, autant qu’elle apporte une alternative aux parents décidés à refuser la médicalisation et l’anonymat des grandes structures.

A propos de l'auteur

Après une carrière hospitalière, je me suis orientée vers la pratique libérale. Je suis titulaire d'un D.U. "Lactation humaine et allaitement maternel" (Faculté de médecine Grenoble), et d'un D.U. "Suivi gynécologique de prévention, sexualité, régulation des naissances" (Faculté de médecine de Brest).

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