Jasmine IDIR est sage-femme à Cagnes sur Mer. Elle nous livre ici une approche sur le périnée « émotionnel », pour inciter les femmes à considérer l’impact d’un périnée tonique au-delà de la grossesse et du post-partum.

Le périnée interpelle jusque dans son écriture. Ce nom masculin et singulier se moque des conventions orthographiques habituelles de genre et de nombre. En effet, il correspond non pas à un, mais à plusieurs muscles de l’entrejambe, présents, aussi bien chez la femme, que chez l’homme. Également nommé plancher pelvien, il soutient les organes logés dans le bassin osseux, à savoir, la partie terminale des voies digestives, les voies urinaires et les organes génitaux. Le périnée est donc sollicité automatiquement à chaque fois qu’il y a émission d’urines, de selles ou rapport sexuel.

Une approche plus vaste que la seule anatomie

Pour la femme, le périnée est fréquemment évoqué pour la première fois grâce à une sage-femme pendant la période périnatale, car ce sont les muscles qui le constituent qui sont étirés par le passage du bébé. Il peut être aussi cité par les professeurs de sport consciencieux, car il fonctionne conjointement avec les abdominaux et le diaphragme (muscle de la respiration). Mais force est de constater dans le secret des consultations médicales que cette partie du corps liée à la sexualité et à l’intime reste méconnue par tout un chacun et que l’approche mécanique de l’anatomie et des fonctions périnéales ne suffit pas pour découvrir cette zone.

Une autre approche du perinee

Vu d’un périnée masculin (en haut) et d’un périnée féminin (en bas).

Périnée et périnatalité : découverte du nid affectif

La périnatalité permet d’investir émotionnellement la zone pelvienne. Le périnée soutenant l’utérus, devient le nid dans lequel germe la vie. Si une femme n’en a pas eu l’occasion plus tôt dans sa vie, la période périnatale lui offre un espace pour découvrir avec bienveillance et curiosité son périnée et sa capacité à y accueillir son enfant. L’enjeu permet de dépasser tous les tabous puisqu’il s’agit d’apprendre comment aider son bébé à naître. La patiente apprendra à se saisir volontairement des mouvements de sa respiration, de son bassin osseux et de son sexe pour y libérer ou créer un espace qui peut être celui de la naissance mais aussi de la sexualité. D’ailleurs, la sexualité pendant la grossesse si elle est uniquement envisagée de manière mécanique et dénuée d’émotions, devient moins évidente, privant le couple d’une intimité unique et l’enfant à venir du ressenti de plénitude qu’une sexualité adaptée pourrait offrir à sa mère. Les premiers à ne pas pouvoir considérer le périnée mécaniquement sont bien souvent les hommes, soucieux de ne pas « perturber » le bébé ! Anatomiquement, hormis en cas de contre-indication médicale (menace d’accouchement prématuré, décollement ovulaire…), la sexualité est tout à fait possible pendant la grossesse. C’est important pour une femme que son périnée ne soit pas uniquement approché lors des examens médicaux pendant neuf mois ! La périnatalité permet de découvrir et respecter davantage son périnée, de respecter son intimité, puisqu’il est alors reconnu comme le lieu de l’affectivité grâce à la présence du bébé. En fait, la sexualité est porteuse des mêmes valeurs humaines fondamentales que celle de la grossesse : l’Amour, l’Affectivité, le lien à l’Autre…

Fort de ce constat, il est alors encore plus évident d’envisager l’acte sexuel non pas comme un acte limité aux organes sexuels qui sont extrêmement sollicités pendant la phase périnatale mais comme un acte lié à l’Être tout entier. En effet, une femme enceinte ou venant d’accoucher ou encore allaitant son bébé vit de nombreuses et rapides modifications corporelles et a besoin de beaucoup de douceur, de patience et d’attention pour ressentir son sexe et sa poitrine comme des organes de plaisir. Un partenaire ne limitant pas ce plaisir aux organes sexuels en s’intéressant au corps entier dans une approche plus sensuelle que sexuelle dans un premier temps mais surtout en prenant en compte l’enjeu affectif porté par l’acte sexuel, aidera sa compagne à vivre pleinement sa sexualité. Peut être de manière encore plus complète qu’avant. Car il sera sécurisant. A contrario, la violence des dégâts engendrés par les abus sexuels sur le vécu intérieur des victimes, étaye cette thèse du potentiel émotionnel habitant la sphère périnéale.

Périnée et sécurité de base

La zone pelvienne est considérée par bien des approches comme étant le lieu de la sécurité de base de l’Être. C’est le cas de l’Haptonomie, véritable science de l’affectivité, visant la confirmation affective de l’Être, c’est-à-dire la possibilité pour lui de vivre ses potentialités. Cette pratique décrit le périnée comme appartenant au « giron » ou « nid affectif » car il correspond au lieu de vie du fœtus et invite donc les professionnels de santé haptothérapeutes à être particulièrement attentifs à leur manière d’entrer en contact avec cette zone dans les soins, tant elle est porteuse pour la personne. Les touchers vaginaux effectués par la sage-femme par exemple se veulent respectueux des tissus pour un vécu physique et intérieur plus doux.

N’est-il pas aisé de prendre conscience du sentiment de sécurité ressenti lorsque l’on est soi-même porté par la zone du bassin osseux ? Ou encore du sentiment rassurant donné à un enfant que l’on soulève en le prenant sous le sacrum ? Être porté par sa base permet de vivre dans la rencontre avec la personne qui soutient, son assise affective, fondement même de notre capacité à se tenir droit dans la vie, à être digne.

Plusieurs méthodes de développement personnel permettent la découverte de soi et de sa capacité à interagir dans le respect avec l’Autre. A titre d’exemple, la Sophrologie et l’Haptonomie en font partie et sont aujourd’hui pleinement intégrées à la pratique professionnelle des soignants formés pour offrir un accompagnement de qualité.
Permettre à un patient de considérer le périnée comme base de sa sécurité et de sa dignité peut l’amener à découvrir, par exemple, que ce qui se joue dans sa sexualité, va bien plus loin que le ressenti purement charnel. La recherche de la fusion est certes liée à des pulsions physiques mais aussi émotionnelles, parce qu’elle est profondément sécurisante.

Devenir conscient de ce double enjeu, physique et affectif qui existe dans le rapport intime, offre la possibilité d’améliorer la relation à soi-même et donc la qualité des relations humaines toutes entières. Un message à faire passer aux patientes, qui permet de redonner toute sa puissance au périnée, en tant que muscle de soutien, dans tous les sens que revêt ce mot.

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