Y a-t-il un lien entre difficulté de coordination entre succion, déglutition et respiration et problèmes neurologiques à l’âge de 2 ans ? Des présomptions sont déjà allées dans ce sens, ce que vient de confirmer une nouvelle évaluation clinique.

L’immaturité que suggère la prématurité a fréquemment des conséquences sur la capacité à coordonner succion, déglutition et respiration. Le bébé prématuré s’épuise souvent en raison de mouvements de langue et de mâchoires inappropriés et donc inefficaces. Selon des études déjà publiées, cela pourrait annoncer une évolution anormale du développement neurologique à l’âge de 2 ans. Une nouvelle évaluation vient d’être standardisée grâce à une échelle baptisée « Neonatal Oral-Motor Assessment Scale » (NOMAS).

La méthodologie de l’évaluation

Une équipe néerlandaise comportant des orthophonistes a étudié prospectivement 65 prématurés d’âge gestationnel moyen de 29,5 semaines (de 24,9 SA à 35,7), divisés en 2 groupes : l’un composé d’enfants petits pour l’âge gestationnel ou atteints de dysplasie broncho-pulmonaire, le second composé d’enfants sans ces pathologies afin de servir de groupe contrôle. Le NOMAS (28 items) a été utilisé de façon longitudinale de 37 à 50 semaines d’âge corrigé pour l’étude de la succion non nutritive et nutritive au sein et au biberon par quatre observateurs travaillant par paires. En cas de désaccord, un consensus était obtenu après examen des enregistrements vidéo. Les évaluations ont été classées selon trois catégories : succion normale caractérisée par des mouvements rythmiques de la langue et de la mâchoire et une bonne coordination entre succion, déglutition et respiration ; succion désorganisée si mouvements de la mâchoire et de la langue arythmiques ; succion dysfonctionnelle si mouvements anormaux interférant avec la succion.

Quel constat à 2 ans ?

Sur les 65 bébés prématurés, 52 ont pu être suivis : 39 ont eu un développement normal ; 13 ont présenté un développement contrarié dont 10 ayant un examen neurologique anormal à 2 ans et 3 présentant un retard de développement isolé. Entre 44 et 46 SA, la proportion d’enfants avec une succion normale était plus faible parmi ceux qui ont ultérieurement souffert d’anomalies du développement. En conséquence, l’absence de succion de type mature à 44 SA est apparue comme un facteur augmentant significativement le risque d’évolution neuro-développementale anormale à 2 ans (Odds ratio [OR] 6,3 ; intervalle de confiance à 95 % [IC] : 1,4-28,32). Idem pour les enfants qui ont présenté l’impossibilité de maintenir une succion stable à 46 SA (OR 6,25 ; IC 1,29-30,35). « Les paramètres les plus altérés après terme corrigé (44-46 SA) étaient ceux évaluant les mouvements rythmiques de la mâchoire et de la langue et la coordination entre succion, déglutition et respiration », souligne le Dr Jean-Jacques Baudon dans le Journal International de Médecine du 6 mars dernier. L’évaluation NOMAS conclut donc que « l’altération de certains éléments spécifiques de la succion entre 4 et 6 semaines d’âge corrigé est associée à une évolution défavorable à 2 ans ». Cette période pourrait correspondre à un moment sensible du développement et les anomalies de la succion pourraient être un marqueur d’anomalies du développement, dont l’évaluation offrirait l’opportunité d’une intervention précoce. A suivre…

Sources JIM / Wolthuis-Stigter MI et coll. : The association between sucking behavior in preterm infants and neurodevelopmental outcomes at 2 years of age. J Pediatr., 2015; 166: 26-30

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